Le sommet tripartite entre les présidents iranien, pakistanais et afghan offre une nouvelle dynamique régionale. L’émergence d’une nouvelle alliance ?
C’est un drôle de sommet qui a débuté, à Islamabad, entre trois présidents affaiblis sur leur scène intérieure respective. Un affaiblissement qui ne remet pas en cause la nouvelle dynamique régionale qui semble s’inscrire dans les intérêts mutuels irano-pakistanais. Alors que le sentiment anti-étasunien n’a jamais été aussi grand au Pakistan, l’Iran doit faire face à une intense pression diplomatique de la part de l’Occident. Les deux puissances régionales pourraient trouver un terrain d’entente commun.
Avant le sommet tripartite, avec l’Afghanistan, les présidents Mahmoud Ahmadi-Nejad et Asif Ali Zardari se sont rencontrés pour réaffirmer leur politique commune en matière de lutte contre le terrorisme et le trafic de drogues. Une cause commune qui est un appel d’air pour une coopération plus large entre l’Iran et le Pakistan. Depuis 2010, les relations bilatérales ont connu des progrès significatifs alors que les deux pays ont connu des situations conflictuelles depuis la Révolution islamique en 1979.
En effet, entre 1947 et 1979, les deux pays ont entretenu de bons rapports avec d’importants projets communs concernant les infrastructures, l’éducation et les échanges économiques. Par la suite, les relations dégradées, à l’image des relations entre l’Iran et les monarchies du Golfe. Proche de l’Arabie Saoudite, le Pakistan a été une plateforme majeure dans sa politique anti-chiite. L’arrivée des Talibans au pouvoir en Afghanistan a provoqué de vives tensions régionales. Une situation extrême qui avait amené l’Iran a massé 300 000 hommes à la frontière irano-afghane, suite à l’enlèvement de diplomates et de travailleurs iraniens.
Depuis 2001, l’intervention de la communauté internationale en Afghanistan a soulagé la menace que représentait la présence des Talibans à ses frontières. En revanche, la situation sécuritaire s’est rapidement dégradée avec la conquête progressive des Talibans. De plus, la croissance exponentielle de la production de chanvres, chez le voisin afghan, provoque un défi sécuritaire avec des flux massifs dans le trafic de drogue. Parallèlement, le Pakistan connaît depuis ces dernières années une flambée de violences communautaires inédites. La rivalité persistante entre les deux pays a marginalisé la communauté chiite qui a été largement prise pour cible avec de nombreux attentats sanglants.
L’incertitude pakistanaise
Alors que l’Iran entamait sa marche révolutionnaire, le Pakistan a renforcé son alliance stratégique avec les États-Unis. Durant les années 1980, ces derniers ont mené une politique d’endiguement de la Révolution islamique iranienne en s’appuyant à l’ouest, sur l’Irak, et à l’est, sur le Pakistan. Dès lors, une véritable alliance stratégique s’est forgée entre les deux pays. Le soutien du Pakistan contre la présence de l’URSS en Afghanistan est le nœud fondateur de ce partenariat privilégié.
La gestion de cette relation dans l’après-11 septembre est pour le moins tumultueuse. Depuis lors, Washington a obligé de facto le Pakistan à prendre part dans la lutte contre le terrorisme. Clé essentielle pour lutter contre les éléments d’Al Qaïda et les Talibans, le gouvernement pakistanais a navigué en eaux troubles où ses services de renseignements, l’ISI, continuaient à entretenir des relations avec les Talibans en Afghanistan. Le double jeu pakistanais est dénoncé, mais les États-Unis maintiennent leur relative confiance à un Pakistan qui détient l’arme nucléaire.
Malgré tout, la présidence Obama marque un tournant majeur. Washington perd sa confiance envers Islamabad alors que la traque d’Oussama Ben Laden est devenue interminable. L’opération spéciale, de liquidation du leader d’Al Qaïda, le 1er mai 2011, a dévoilé la césure presque définitive entre les deux pays. La multiplication des opérations militaires étasuniennes sur le territoire pakistanais n’ont cessé d’alimenter la colère de la population. Par ailleurs, l’utilisation de drones pour liquider des combattants Talibans a entraîné des pertes civiles. Ces derniers mois, le président Zardari, affaibli, hausse le ton contre Washington. Dénonçant la violation de la souveraineté du Pakistan, les relations entre Washington et Islamabad sont au plus bas. Pour contrebalancer cette alliance défaillante, le Pakistan s’est rapproché de la Chine en lui accordant une base navale, dans le port de Gwadar.
Iran : renforcer les solidarités à l’est
Outre la Chine, le Pakistan affiche une inflexion dans ses relations avec son voisin iranien. Un événement a été décisif pour un tel rapprochement. Les inondations au Pakistan durant l’été 2010 ont provoqué une catastrophe humanitaire majeure. Alors que l’Occident rechignait à apporter son aide à une nation dont l’image est négative auprès de leurs opinions publiques. Quant à l’Iran, elle a concouru dans la reconstruction des infrastructures du pays. Depuis les relations connaissent une amélioration significative. Tant sur le plan culturel qu’éducatif, les initiatives entre les deux pays se multiplient.
La question énergétique est au centre de ce nouveau développement entre les deux pays. Le projet de gazoduc Iran-Pakistan (IP), la mise en place d’une ligne de transmission électrique de 1000 Mégawatts ainsi qu’un allègement des droits de douane entre les deux pays représentent des éléments significatifs dans ce rapprochement. Pour l’Iran, elle constitue un nouveau débouché économique alors que la pression des sanctions occidentales commence à se faire sentir. En approfondissant ses liens avec ses voisins orientaux, Téhéran entend consolider sa politique sécuritaire dans cette région.
Alors que les menaces d’une frappe à l’encontre de ses installations nucléaires se multiplient, l’Iran veut avoir l’assurance que ni le Pakistan, ni l’Afghanistan ne joueront la carte anti-iranienne. Si l’Iran arrive à convaincre le Pakistan de s’allier à sa cause, elle porte un coup dur à la diplomatie saoudienne. La guerre entre Téhéran et Riyad passe aussi par Islamabad.
Quid des Talibans ?
Cependant, il reste la question sensible du rôle des Talibans à l’avenir. Ennemi hier, le retour des Talibans en Afghanistan constitue une menace pour la stabilité régionale. Alors qu’une rencontre secrète s’est tenue au Qatar entre les États-Unis et les Talibans afghans, la perspective d’un retour d’un gouvernement hostile à Kaboul inquiète Téhéran. Est-ce qu’une entente tacite entre les États-Unis et les Talibans est-elle possible ? L’évolution dogmatique des Talibans tant en Afghanistan et au Pakistan est encore en suspens.
Du côté afghan, les Talibans poursuivent leur lutte contre les forces coalisées de l’ISAF. Les pertes occidentales ont renforcé la confiance des Talibans qui ont déjà remporté la bataille psychologique. En attendant le retrait de l’OTAN, les pays occidentaux entendent se retirer du pays sans que cela soit perçu comme une retraite. Mais si une frappe contre l’Iran devait intervenir d’ici là, Téhéran pourrait être tenté d’alimenter en armement les Talibans afin d’accroître les pertes du côté occidental. Là encore, l’Iran mine le terrain à ses « ennemis ».
F.V.
Ahead of crucial presidential elections in France and the US before we inevitably pull our troops out of Afghanistan, we need to continue helping engineer a new political reality. Other key regional actor’s such as Pakistan, Iran and China should have a say.
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