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Archive for décembre 2006

Gloires et déchéances d’une grande journaliste

Françoise Giroud, une ambition françaiseLa presse et les médias sont un contre-pouvoir. Leur présence, leur vigilance, leurs investigations permettent de dénoncer les abus du pouvoir politique. C’est un fait. Les hommes politiques se doivent d’être irréprochables et de respecter les lois qu’ils énoncent. L’homme politique se doit d’être un exemple et la presse et les médias y veillent.

Ainsi de grandes carrières journalistiques se sont forgées à coup de dénonciation, de critiques acerbes du pouvoir politique. Françoise Giroud eut l’une de ces carrières, peut-être la plus émérite. A la tête de l’Express d’abord, de 1953 à 1977, puis en tant que chroniqueuse et éditorialiste au Nouvel Observateur à partir de 1983 et ce, jusqu’à sa mort en 2003. C’est ce parcours qui est relaté dans la biographie écrite par Christine Ockrent : Françoise Giroud, une ambition française.

Le parcours de journaliste mais aussi le parcours politique, car Françoise Giroud fut membres de deux gouvernements sous Giscard. De 1974 à 1976, elle fut cette célèbre Secrétaire d’Etat à la Condition féminine (c’était la première fois que la question des femmes dans la société s’insinuait dans les plus hautes sphères de l’Etat), puis fut plus modestement Secrétaire d’Etat à la culture, pendant un an, de 1976 à 1977. Elle fut aussi l’une des responsables du Parti radical dans les années 70, parti dirigé par son compère de toujours à l’Express, Jean-Jacques Servan-Schreiber, ou JJSS comme elle aimait l’appeler.

Elle fut donc des deux côtés: du côté des critiques (« On ne tire pas sur l’ambulance » avait-elle durement déclaré dans l’un de ses éditoriaux à propos de la candidature prématurée de Jacques Chaban-Delmas à l’Election présidentielle de 1974, alors que Georges Pompidou n’était pas encore décédé), mais aussi du côté des critiqués. Son parcours politique ne fut pas aussi glorieux que son parcours journalistique.

L’affaire de la médaille tout d’abord. Françoise Giroud fut candidate, en 1977, aux élections municipales dans le 14ème arrondissement de Paris pour le compte des Giscardiens, au gouvernement desquels elle participait. Elle se vanta alors, sur ses affiches de campagne, d’être Compagnon de la libération, ce qui se révéla, après examen, être faux. C’était en fait sa sœur qui était en possession de la fameuse médaille. Un scandale s’en suivit. Elle persista, dénonça les méthodes agressives de la presse (qui était par ailleurs les siennes quand elle était journaliste) et perdit finalement les élections. Autre fait révélé dans cette biographie : la mauvaise habitude de JJSS, dans les années 60-70, de piocher largement dans les caisses de l’Express, pleines à l’époque, pour financer sa carrière politique. Tout le monde à l’Express savait, Françoise Giroud la première, et tout le monde fermait les yeux.

Pouvoir politique et pouvoir de la presse, pouvoir et contre-pouvoir. Si ces derniers se veulent être les garants du respect d’une morale éthique et démocratique, on le voit avec Françoise Giroud, si doué soit le journaliste, mettre le pied dans le premier, le pouvoir politique, fait oublier bon nombre de principes. Comment une journaliste si droite a-t-elle pu devenir une femme politique traînant des casseroles ? La soif du pouvoir, l’allégresse de la reconnaissance populaire, le syndrome du croupier peut-être. Dénoncer les connivences du pouvoir et de la presse, les accointances, le danger de la proximité, est-il alors si populiste que ça ?

Françoise Giroud, une ambition française, Christine Ockrent, éd. Fayard

R.C.

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