Le Premier ministre israélien, assiégé par la stratégie unilatérale palestinienne, le réveil égyptien et la tentation hégémonique turque, pourrait jouer son va-tout avec le nucléaire iranien…
Quelle est la réflexion de Benyamin Netanyahu face à la tempête actuelle lorsqu’il consulte les dépêches d’agences, prend conseil auprès de ses services de renseignement ? Quelle est sa stratégie face à cette multitude de facteurs qui rend toujours plus difficiles de piloter le navire israélien dans les eaux troubles du Proche-Orient ? Le discours du Premier ministre, le 23 septembre 2011, auprès de l’Assemblée Générale des Nations unies, présente à son auditoire une image un peu défraîchie de la région. Un pan de ce discours semblait tout droit sortir d’un discours de Georges W. Bush qui venait louer la nécessité de sa guerre contre le terrorisme, à ses plus grandes heures.
Mais la veille, Mahmoud Ahmadi-Nejad avait tendu une perche au Premier ministre israélien avec un discours formaté sur l’impérialisme occidental et sioniste. Benyamin Netanyahu n’a eu aucune difficulté d’y rebondir dessus pour dénoncer la menace iranienne et islamiste en général ; et ce, dans un parfait anglais. Le Premier ministre semblait s’adresser à la population étatsunienne plus qu’à son auditoire. Il a tenu à faire savoir à Mahmoud Abbas qu’il lui tendait la main. Une proposition indécente ? Le Premier ministre savait que cette offre verbale ne l’engagerait pas puisque le président palestinien avait déjà annoncé que l’Autorité palestinienne irait chercher la reconnaissance de leur État devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
Mais quel est le but final de l’actuel Premier ministre ? Celui qui occupa déjà ce poste en 1996, n’a pas réussi à marquer de son empreinte son passage à la tête d’Israël comme ses prédécesseurs : soit par une guerre, soit par des actes de paix. Les négociations avec les Palestiniens n’ont pas avancé d’un pouce depuis son retour au printemps 2009. La poursuite de la colonisation dans les Territoires occupées renforce la logique d’un état de fait, loin des salons de négociation. Ce renforcement de facto de la présence israélienne rend difficile la création d’un État palestinien viable. Mahmoud Abbas fait de l’arrêt, au moins temporaire, de la colonisation un préalable sine qua non pour toute reprise des discussions. Mais son refus de reconnaître Israël, comme État juif, raffermit la position israélienne. L’ambigüité de la position palestinienne n’œuvre pas pour l’établissement d’une réelle confiance entre les deux protagonistes.
La Maison-Blanche paralysée et rabougrie
Face à l’intransigeance israélienne et au défi palestinien, les États-Unis se retrouvent complètement esseulés dans la région. Sous la pression des Républicains, la Maison-Blanche a reculé face au Premier ministre israélien. Barack Obama, sous pression, est entré en phase électorale. Désormais, il ne prendra aucun risque et donne rendez-vous en cas de réélection, au mois de janvier 2013. Une projection qui apparaît assez intenable pour les Palestiniens. Mahmoud Abbas, président sortant de l’Autorité palestinienne, n’a plus le temps d’attendre. Dans les prochaines semaines, le Conseil de sécurité sera soumis au vote. Les États-Unis mettront leur veto. Les Palestiniens ont déjà recueilli huit votes des neuf nécessaires. Les Palestiniens négocient leur dernière voix avec la Bosnie-Herzégovine. Nul doute, avec l’appui de la Turquie, Mahmoud Abbas arrachera se vote. Conséquence : le rejet de la création d’un État palestinien sera le seul fait du blocage étatsunien. L’ultime bouée pour Israël risque de se transformer en catastrophe diplomatique pour les États-Unis.
L’image de Barack Obama est très écornée au sein du monde musulman. L’attitude très ambiguë de ses alliés musulmans : Égypte, Turquie et Pakistan ; l’affaiblit encore plus. Le poids diplomatique de la Maison-Blanche s’est réduit comme peau de chagrin, et personne ne semble pouvoir lui succéder. Ni l’Union européenne, trop divisée, ni la Russie, pas assez crédible, ni la Chine, avec une position en retrait, ne peuvent prétendre reprendre le flambeau pour imposer une paix équitable aux deux parties. Depuis quelques années, Palestiniens et Israéliens ont tenté une approche directe, sans intermédiaire, sans médiateur. Résultat : des actions unilatérales, de part et d’autre.
L’inflexibilité de la position israélienne s’est une nouvelle fois illustrée sur la question iranienne. Pour le gouvernement de Benyamin Netanyahu, l’Iran demeure plus que jamais la principale menace pour l’existence de l’État hébreu dans la région. Encore une fois, Washington opine du chef et renforce les capacités militaires de Tsahal. Alors que les négociations sur le programme nucléaire iranien pourraient redémarrer. La diplomatie française alerte la communauté internationale sur l’absence d’un accord sur cette question. Gérard Arnaud, ambassadeur français auprès de l’ONU, à New York, a indiqué qu’ « il y a un fort risque d’action militaire » à l’encontre de l’Iran. En l’espace d’un mois, il s’agit du deuxième avertissement sans frais de la part de la France.
Nucléaire iranien : dernière fenêtre de tir
L’Iran, pris de vitesse par le printemps arabe, et le retour diplomatique de la Turquie, s’est effacé mettant en lumière des conflits au sein du pouvoir. Mahmoud Ahmadi-Nejad est venu rappeler à la communauté internationale le fléau du sionisme. Sa rhétorique lasse, et de façon cynique, prête à rire comme si le président iranien était dépassé par les changements qui ont eu lieu. Il n’est plus au centre d’un espace médiatique où Recep Tayyip Erdoğan lui a ravi la vedette. Mais, auprès de Benyamin Netanyahu, il occupe toujours son esprit. Un article de Sefi Rachlevsky dans le quotidien israélien, Haaretz, détonne par son analyse. Le Premier ministre serait emparé d’une perception messianique. Ironie des choses, ce messianisme fait écho à celui du président iranien.
Une attaque contre les installations nucléaires iranienne est crédible. L’opération est déjà dans les cartons. Les Israéliens pourraient emprunter l’espace aérien saoudien pour aller frapper le territoire iranien. L’Arabie Saoudite aurait donné son accord tacite à une telle éventualité. Son hostilité au régime iranien la range au côté d’Israël. Un paradoxe qui ne semble pas offusquer ses autorités. Jusqu’à présent, la communauté internationale a réussi à calmer toutes les ardeurs militaires. Cependant, le Premier ministre n’a pas abandonné cette option. Une opération qui constituerait un point d’orgue dans le mandat de Benyamin Netanyahu. Mais les conséquences incalculables d’une telle décision ont également leurs opposants en Israël. Difficile d’évaluer cette part d’irrationalité face au jugement de la menace iranienne ; cette menace, même réelle, est beaucoup plus complexe. Les rouages politiques mais aussi les engagements spirituels dans le clergé iranien troublent tout jugement définitif. De cette complexité résulte une vision duale : d’un côté, elle favorise la mise en place de pare-feu, éloignant les risques d’un conflit ; d’un autre, elle peut s’avérer être un catalyseur pour une conflagration généralisée. Et depuis 2004, ce risque est présent dans tous les esprits.
F.V.
Discours de Benyamin Netanyahu auprès de l’Assemblée Générale des Nations unies (in English) :
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