Depuis ces derniers jours, les rencontres diplomatiques s’accélèrent. De sommet en sommet, le Moyen-Orient espère retrouver l’accalmie. Mais dans l’ombre, l’agitation se poursuit.
Avec l’arrivée du printemps le calendrier diplomatique connaît une nouvelle accélération. Entre le dossier du nucléaire iranien, la situation syrienne et l’impasse palestinienne, la communauté internationale s’affaire pour trouver de nouvelles options diplomatiques pour réduire les tensions régionales. Pour éviter l’explosion, l’Occident a relâché la pression sur le régime syrien de Bachar el-Assad, principal allié de l’Iran. En confiant une mission diplomatique à l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, les pays occidentaux souhaitent obtenir une meilleure conciliation du côté russe et chinois.
En écartant l’option militaire, et se confinant aux sanctions économiques et financières, Washington espère que les alliés traditionnels de la Syrie exerceront leur rôle pour « inviter » le président syrien à réellement agir pour interrompre les violences qui secouent le pays depuis plus d’un an. En ligne de mire, la Maison-Blanche entend désamorcer la « bombe iranienne ». Malgré le relâchement dans la rhétorique guerrière entre Tel Aviv et Téhéran, Barack Obama désire réamorcer le dialogue avec le pouvoir iranien.
Chapitre 1 : Rencontre à Séoul
27 mars 2012 : Le sommet sur le nucléaire s’est transformé en un forum sur les crises actuelles que ce soit l’Iran ou la Corée du Nord. Alors que Pyongyang prépare le lancement de sa fusée programmé durant le mois d’avril, le gouvernement japonais a vivement critiqué ce projet. Il a menacé de détruire la fusée si celle-ci menaçait l’intégrité territoriale du Japon. Les autorités sud-coréennes avaient indiqué des intentions similaires la veille.
Pour Barack Obama, l’occasion était double pour s’adresser à la fois aux Nord-Coréens et Iraniens afin que ces derniers reprennent le dialogue. Sur le dossier nord-coréen, les autorités chinoises apparaissent plus enclines à éviter toute escalade. Et le projet de lancement de la fusée déplaît à Pékin. Cependant, Pyongyang a réaffirmé son intention de réaliser ce lancement.
Chapitre 2 : Erdoğan en porte-à-faux à Téhéran
28-29 mars 2012 : En rentrant de Corée du Sud, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan a effectué une halte de 48 heures à Téhéran pour s’entretenir avec les dirigeants iraniens. Les dossiers nucléaire et syrien ont été à l’ordre du jour. Lors de sa rencontre avec le président iranien Mahmoud Ahmadi-Nejad, le Premier ministre a réaffirmé le soutien de la Turquie au « programme pacifique nucléaire » de la République islamique. Si la Turquie affiche son soutien à l’Iran sur cette question, en revanche, la question syrienne divise les deux pays. Le lendemain à Mashhad, lors de sa rencontre avec le Guide suprême Seyed Ali Khamenei, ce dernier a rappelé que « l’Iran défendra la Syrie en raison de son soutien à la résistance contre le régime sioniste ».
Par sa dépendance énergétique, le gouvernement turc est dans une position délicate face aux actions iraniennes. Si la Turquie a rompu ses relations avec le régime de Bachar el-Assad, son gouvernement ne veut pas provoquer l’ire des autorités iraniennes. Malgré tout, la Turquie continue d’offrir l’asile à l’opposition syrienne et à ses nombreux réfugiés et s’apprête à accueillir le sommet des « Amis de la Syrie » qui doit se dérouler dimanche 1er avril. Après les échecs militaires, le Conseil National Syrien (CNS) tentera de se réorganiser et permettre d’unifier leurs revendications. Si le président syrien a accepté le plan Annan, aucune position n’a été formalisée par le CNS ; ce sommet pourrait être l’occasion pour indiquer sa position au plan proposé.
Chapitre 3 : Sommet d’une Ligue Arabe newlook à Bagdad
29 mars 2012 : Réunis pour la première fois depuis 22 ans dans la capitale irakienne, la Ligue Arabe a adopté un ton beaucoup moins véhément à l’égard de la Syrie. Dorénavant présidé par l’Iran, la Ligue Arabe a apporté son soutien au plan Annan. Dans ce contexte, l’opposition syrienne devrait suivre les pas de l’organisation panarabe dans les prochains jours.
Le retour de l’Irak dans la diplomatie interarabe ouvre incontestablement une nouvelle ère pour la région. Pendant plus d’un an, l’Arabie Saoudite et le Qatar ont su faire avancés leurs options diplomatiques dans la région. La diplomatie qatarie, en pointe sur les dossiers libyen et syrien, a terminé sa présidence tournante de la Ligue Arabe sur une note d’amertume. Le Qatar laisse la place à l’Irak alors que Bachar el-Assad préside toujours les destinées syriennes. En attendant le retour de la diplomatie égyptienne, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas espère que la Ligue Arabe prenne fait et cause pour défendre sa nouvelle approche dans ses négociations avec Israël.
Chapitre 4 : Les BRICS font fureurs
29 mars 2012 : New Delhi accueille le sommet des cinq puissances émergentes (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) où le programme iranien est l’un des sujets de conversation. Ce bloc hétérogène, formellement créé en 2001, a réaffirmé son soutien à une solution pacifique sur le dossier du nucléaire. Par ailleurs, les cinq pays ont appelé à une non-ingérence dans les affaires syriennes. Cette annonce renforce de facto la ligne défendue par Moscou et Pékin depuis le début de la crise syrienne.
Tout comme sur la question iranienne, les BRICS confirment leur ligne commune et la déclaration finale indique la volonté de tendre vers des positions diplomatiques communes. Ainsi, les BRICS souligne qu’ « une solution en Syrie et en Iran peut seulement être trouvée via le dialogue ». Même si le groupe des puissances émergentes est à ses balbutiements, il peut constituer un contrepoids de choix, face à l’Europe et aux États-Unis, sur l’ensemble des questions internationales. Malgré tout, les intérêts respectifs de ces pays ne convergent pas forcément, où la rivalité continentale entre l’Inde et la Chine, notamment, est l’une des menaces pour la stabilité de l’Asie.
Chapitre 5 : Marcher sur Jérusalem, un acte très virtuel
30 mars 2012 : Cet événement organisé lors de la « Journée de la Terre » devait marquer les esprits de la communauté internationale. Largement soutenues par les autorités iraniennes, l’événement a été marqué par quelques affrontement de ça et là dans les Territoires occupées mais sans réel embrasement. Les organisateurs ont évité les provocations qui auraient entraîné des réponses fermes de la part des forces armées israéliennes. Au Liban, en Jordanie et ailleurs des petits rassemblements ont eu lieu pour marquer leur solidarité.
Les organisateurs estiment cependant que d’autres événements de même nature sont d’ores et déjà programmés. Pour ces derniers, ce type d’événement vise à alimenter la conscience des populations musulmanes sur la politique israélienne sur le troisième lieu saint de l’islam. Point de divergence essentiel entre Palestiniens et Israéliens, Jérusalem demeure un des points d’achoppement à toute résolution du conflit au Proche-Orient. Le gouvernement de Benyamin Netanyahu n’envisage pas de concession sur cette question. Le dialogue israélo-palestinien reste dans l’impasse.
Chapitre 6 : Turquie, pôle de confrontation diplomatique
Istanbul est sur le point de devenir la capitale diplomatique du Moyen-Orient. En effet, les différents ont trouvé dans l’ancienne Constantinople un lieu privilégié pour donner une caisse de résonance aux tensions actuelles. Ainsi, le 1er avril, la rencontre des « Amis de la Syrie », sans la Russie, la Chine et l’Irak, ne menace plus désormais le pouvoir de Bachar el-Assad. Est-ce que l’appel du chef du CNS à armer les rebelles sera-t-il entendu ? Dans le contexte actuel, il est peu concevable que les Occidentaux acceptent cette demande. La dislocation en cours de la Libye n’est pas faite pour aider à soutenir les requêtes de l’opposition syrienne.
Face à l’inflexion sino-russe, les monarchies du Golfe apparaissent moins véhémentes à l’égard du régime syrien. Durant les prochaines semaines, l’attention se portera sur les discussions entre l’Iran et l’Occident sur le dossier du nucléaire. Les 13 et 14 avril 2012, Istanbul sera l’hôte de ces discussions considérées par Washington comme une des dernières possibilités pour un règlement pacifique de la question. L’Iran pourrait émettre des contrepropositions au groupe P5+1 (les cinq pays membres du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) dont le but permettrait la poursuite du dialogue. Du côté occidentaux, l’exigence d’un gel total des activités nucléaires en Iran n’est plus réaliste, même si le gouvernement israélien comme une condition sine qua non pour éviter l’option militaire.
Épilogue : En attendant juillet…
Les négociations s’apprêtent à faire leur retour après des mois d’interruption. Elles constituent l’une des dernières fenêtres diplomatiques pour Téhéran afin d’éviter une frappe israélienne. Récemment, Benyamin Netanyahu aurait donné un coup d’arrêt aux opérations secrètes sur le sol iranien. La crainte d’un échec qui rappelle au Premier ministre israélien celui de 1997, lorsque le Mossad a échoué dans la tentative d’empoisonnement de Khaled Meshaal, chef du politburo du Hamas, alors encore en Jordanie, expliquerait cette interruption brutale. En prenant cette décision, Israël limite son champ d’action pour saboter le programme nucléaire iranien.
Du côté européen, l’embargo sur les importations de pétrole iranien prendra officiellement effet le 1er juillet 2012. Elle pourrait accentuer la pression sur le marché du pétrole. Dans cette optique, le déplacement de la Secrétaire d’État, Hillary Clinton en Arabie Saoudite a eu pour objectif de convaincre les pays du Golfe de compenser l’absence du pétrole iranien sur le marché mondial. Cet embargo est toujours contesté par de nombreux pays dont les BRICS ce qui par voie de conséquence limite les effets sur l’Iran. Cependant l’interdiction de l’accès au réseau de transferts interbancaires Swift à différentes institutions iraniennes, dont la Banque centrale, menace sérieusement le fonctionnement économique du pays. Réduit au système D, les autorités iraniennes mettent des circuits de financements et d’échanges économiques parallèles. Dernier exemple, l’Uruguay propose à l’Iran de faire du troc en l’occurrence échanger du riz contre du pétrole. Plus que jamais la manière de régler la question du nucléaire iranien divise plus que jamais la communauté internationale.
F.V.
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