Alors que l’opposition syrienne ne parvient toujours pas à s’unifier, Bachar el-Assad est parvenu à démontrer qu’il reste encore maître dans son pays. Le chemin de Damas est encore loin…
La reconquête de la ville de Homs par l’armée syrienne, au début du mois de mars 2012, a donné un coup important à la dynamique de l’opposition face au régime. Elle a au contraire accéléré le morcellement de cette opposition. Ces derniers jours, le Conseil national syrien (CNS), principal coordinateur de l’opposition connaît d’importants remous. Le régime syrien entend profiter de ces faiblesses pour briser définitivement la rébellion armée.
Les fissures qui sont apparues au sein du CNS démontrent la difficulté de mettre une opposition solide et déterminée pour renverser un régime fondé il y a cinquante ans. Sans un front uni, l’opposition syrienne perd en crédibilité auprès d’une population hésitante. Les dissensions internes se focalisent sur la méthode pour pousser Bachar el-Assad à abandonner le pouvoir. Certains estiment qu’une intervention militaire étrangère est devenue inévitable, d’autres préfèrent une révolution de palais par l’intermédiaire d’un dialogue.
Kofi Annan, médiateur de la dernière heure
Malgré les appels des puissances occidentales pour unifier le mouvement anti-Assad, le régime syrien tente de garder la main. La pression et les sanctions internationales n’ont pas totalement asphyxié le régime. Même si l’économie du pays est sur le fil du rasoir, les milieux d’affaire restent encore solidaires au régime. Dans ce contexte, Damas ne semble pas être au bord de la rupture. Après un an de révolte, les défections de haut rang tant militaires que politiques ont été plutôt rares. La démission du vice-ministre du pétrole, Abdo Hussameddine, le 8 mars 2012, reste un cas isolé. L’édifice du régime, toujours solide, espère étouffer la révolte à temps.
La violence de la répression syrienne approche les 10.000 morts et ne faiblit pas en intensité alors que la médiation russo-chinoise devait ramener les parties en conflit autour de la table des négociations. Jusqu’à ce jour, Damas joue la sourde oreille accablant « les gangs armés » en invoquant « la lutte contre le terrorisme ». En effet, la circulation d’armes illégales dans le pays ainsi que la présence de certains éléments de nationalités étrangères ont offert des arguments uniques pour justifier la répression du régime syrien. La bataille entre les deux camps se joue une bonne partie dans les médias. La guerre psychologique est au centre de cet affrontement. Du côté des insurgés, l’objectif de renforcer sa position de victime face à l’agression des forces armées dirigées par Bachar el-Assad. Le régime, quant à lui, s’appuie sur son droit à protéger ses citoyens contre les violences armées. Même si elle s’en défend, la Russie a été un bouclier décisif dans la bataille de Homs. Ce bouclier diplomatique a permis aux forces loyalistes de défaire les membres de l’Armée libre syrienne (ALS) qui avaient fait de cette ville, la capitale de la résistance au pouvoir.
La défaite de l’ALS a provoqué une secousse diplomatique, l’Occident a pris en compte que le régime de la famille Assad est bien plus solide que ne l’était le régime de Mouammar Kadhafi. Rejetant l’option d’une intervention armée, les pays occidentaux réfléchissent à l’armement de l’opposition. Les pays du Golfe les pressent d’intervenir d’urgence. Au sein du CNS, les voix favorable à une intervention militaire extérieure se font de plus en plus pressantes. Mais cette option pourrait provoquer la cristallisation des deux camps entraînant le pays dans une guerre civile.
Face à cette perspective, les Nations unies ont dépêché un envoyé spécial, en la personne de son ancien Secrétaire général, Kofi Annan. Présent à Damas, il a rencontré les autorités syriennes afin de concrétiser un plan d’arrêt des violences dans l’ensemble du pays. Pour le moment, la proposition du président syrien est jugée « décevante » par Kofi Annan. De surcroît, les pays occidentaux espéraient un fléchissement de la position russe après les élections présidentielles du 4 mars. Or, rien n’indique un changement de cap majeur à Moscou concernant la question syrienne. Même si le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est montré critique, jeudi 15 mars, sur la lenteur des réformes promises par le président syrien, le Kremlin n’entend pas céder face aux exigences occidentales.
En effet, malgré une récente tentative de mettre au vote une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU, la vive opposition qui a éclaté entre Russes et Étasuniens continue de paralyser le fonctionnement de cette instance sur le dossier syrien. Le traumatisme du lynchage de l’ancien dirigeant libyen est plus que jamais présent à Moscou. Pour le pouvoir russe, le renouvellement d’une telle expérience avec le cas syrien est inimaginable. Côté chinois, le renversement du régime syrien n’est toujours pas à l’ordre du jour.
Des manifestations à tonalité géopolitique
Fort de ses soutiens, Damas tient à rendre gratitude auprès de ces puissances. Ainsi, le 15 mars 2012, à l’occasion du premier anniversaire du début de la révolte contre le régime, le pouvoir a organisé de grandes manifestations de soutien au président syrien. Les autorités en ont profité pour faire passer quelques messages à connotation géopolitique. L’une des particularités de ces manifestations est la présence massive de drapeaux. Depuis le début de la révolte, les ralliements pro-Assad voient la présence de drapeaux. Symbole de rassemblement, ils sont aussi un message envoyé tant aux alliés qu’à ses ennemis.
Si le drapeau syrien est massivement présent, d’autres drapeaux ont été largement déployés. En effet, les drapeaux russes et chinois constituent un message clair envoyé tant à ses deux alliés qu’au camp occidental : la Syrie compte dans son camp, deux pays essentiel dans le système de sécurité internationale. Au même titre que le drapeau du Hezbollah, le drapeau palestinien fait également un retour en force. Cette présence importante tient à rappeler que la Syrie soutient la résistance ainsi que les mouvements palestiniens dans sa lutte contre « l’ennemi sioniste ». Par ailleurs, les Iraniens encouragent le régime syrien à détourner l’attention de la communauté internationale en se focalisant sur Israël et la cause palestinienne.
En revanche, le drapeau iranien s’illustre par son absence, et ce depuis le début des manifestations. L’Iran, plus proche allié de la Syrie, est une béquille vitale pour la survie du régime alaouite. Cette absence est sans aucun imposée par l’Iran pour éviter toute accusation d’ingérence dans les affaires syriennes. Or, Téhéran continue sa politique de soutien actif auprès de Damas tant en matière logistique, financière ou humaine. D’ailleurs, Washington s’inquiète de la cooptation de Bagdad dans l’axe Téhéran-Damas. La création d’un arc Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth est sans aucun doute le pire cauchemar qui fait frémir dans les couloirs du Pentagone. Quant aux monarchies du Golfe, elles souhaitent avant tout interrompre le jeu géopolitique de Téhéran, même au prix d’une guerre en Syrie. Mais le lion de Damas, lui, continue à rugir, pour combien de temps encore ?
F.V.
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