L’incertitude qui règne en Syrie s’accompagne d’un blocage au niveau international.
Le « printemps arabe » tourne à l’aigre en Syrie. L’opposition n’arrive pas à prendre l’avantage sur les forces gouvernementales. La répression qui s’exerce à l’encontre des manifestants est condamné par l’Europe, les États-Unis, et même la Turquie. Plus récemment, la Ligue Arabe réfléchissait à une éventuelle suspension de la Syrie comme membre de l’organisation. Une idée qui divise profondément l’institution panarabe.
Cependant, le régime de Bachar el-Assad peut s’appuyer sur des alliés de poids : l’Iran, la Russie et la Chine. La France et le Royaume-Uni exercent des pressions intensives dans les couloirs des Nations Unies pour rallier le plus grand nombre de pays au sein de Conseil de sécurité afin de condamner le régime syrien. Des tentatives qui restent, à ce jour, lettre mort. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est montré extrêmement ferme au regard du projet porté par son homologue français, Alain Juppé. La situation en Libye fait désormais jurisprudence au sein de l’ONU. En intervenant contre le colonel Kadhafi, les forces de l’OTAN ont peut-être sauvé le régime syrien.
Depuis plusieurs semaines, les forces policières et militaires ont repris en main les régions rebelles. L’absence de dialogue entre le régime et les opposants illustre une nouvelle fois cette révolution qui n’en finit plus. Les États-Unis accusent l’Iran de soutenir matériellement le régime syrien dans sa politique répressive qui a déjà coûté la vie de plus de 1.100 personnes. Un bilan qui reste provisoire car sur le terrain, il est difficile d’évaluer sérieusement la situation. Le gouvernement iranien accuse Israël et ses alliés de mener les troubles en Syrie. Le pays est devenu le cœur des tensions internationales. Plus encore que la Libye, la Syrie est un nœud recouvrant un grand nombre d’enjeux.
En Israël, les récentes ruées humaines sur le plateau du Golan représentent une manœuvre de détournement de la part du régime syrien. Une hypothèse qui renforce les craintes d’un dérapage régional. Des tensions internes qui touchent également le Liban. Inquiet des événements chez son voisin, le gouvernement libanais marche sur des œufs. Avec l’arrivée officielle de Najib Mikati, allié au Hezbollah, le pays risque de se ranger plus ouvertement du côté syrien. Le pays a été le premier à accueillir les flux de réfugiés syriens.
Quand la Turquie s’offusque…
Des réfugiés qui sont arrivés en masse dans le sud de la Turquie provoquant une crise humanitaire. Cette situation inédite a provoqué la fureur du Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan. Qualifiant la répression actuelle «d’atrocité », il a clairement pris ses distances avec le régime syrien. Après avoir su gérer le conflit irakien, il y a huit ans, le Premier ministre turc doit faire face à un nouveau grand défi avec la Syrie. La place de la Turquie dans le monde arabe se trouve à la croisée des chemins avec la crise actuelle. Alors que le pays tente de profiter sur le plan diplomatique du « printemps arabe », le gouvernement turc est mis devant ses responsabilités.
Après avoir reçu des représentants de l’opposition, le gouvernement turc a rencontré un envoyé de Bachar el-Assad afin de régler la question des réfugiés ainsi que de rappeler le régime syrien à mettre en place des réformes. Une question que le Président syrien a longtemps soulevé mais n’ayant eu aucune traduction dans les faits. Les violences ont effacé tout espace de négociation entre le gouvernement et les opposants. La Turquie peut désormais jouer un rôle de médiateur entre les deux parties pour mettre un terme aux violences. Les opposants syriens manifestent contre le régime mais expriment leur colère à l’encontre de l’Iran et du Hezbollah. Les prises de positions occidentales agitent et radicalisent les deux camps dans une confrontation aveugle. Si le gouvernement syrien affirme que parmi les manifestants, nombreux sont armés, un prolongement de la révolte, tout au long de l’été, constitue une menace réelle pour la stabilité régionale.
À Damas, le Proche-Orient joue une partie de son avenir. Loin du conflit libyen qui s’éternise, l’Europe démontre son incapacité à mettre en place un outil diplomatique qui pèse sur des théâtres régionaux voisins. Cette région, aux portes du Vieux-Continent, est cruciale pour le maintien de la paix et de la sécurité dans l’ensemble du bassin méditerranéen. Les cas syrien et libyen montrent cruellement l’incapacité européenne à pouvoir se défendre. Mais avant tout, l’Europe semble se reposer exclusivement sur le parapluie étasunien. La fin de la Guerre froide a accéléré les réductions budgétaires dans l’effort militaire nécessaire pour maintenir l’équilibre au sein de l’Alliance Atlantique. Dans un mode de fonctionnement à flux tendus dans le conflit libyen, les pays européens n’ont pas les moyens d’intervenir sur le front syrien, au-delà des implications géopolitiques.
Pire, les Européens sont désormais incapables de réunir le Conseil de sécurité des Nations Unies pour condamner, même symboliquement, le régime syrien. Exposés aux vetos russe et chinois, la France et le Royaume-Uni poursuivent les tractations. Invisibles, les lignes de fracture commencent à apparaître. Le prix de l’intervention en Libye pourrait coûter très cher aux Occidentaux. Si la Russie et la Chine se sont abstenues sur la question libyenne, la Syrie représente la ligne rouge à ne pas franchir. Pour Bachar el-Assad, elle devient son assurance internationale. Pour l’opposition syrienne, la route est encore longue.
F.V.
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