La mort de l’ancien président et époux de l’actuelle présidente, Cristina Fernandez de Kirchner, pourrait initier la fin d’une parenthèse de la vie politique.
Alors que l’on savait sa santé en mauvaise état, la mort « subite » de Néstor Kirchner, emporté par une crise cardiaque, ce mercredi 27 octobre, a surpris toute l’Argentine. Alors que le pays était paralysé par un recensement de sa population, l’ancien président s’est éteint à El Calafate, lieu de villégiature du couple Kirchner. Le « Pingouin », petit sobriquet pour ce patagonien, était depuis 2007, dans l’ombre de sa femme, qui lui a succédé à la présidence.
Prenant le contrôle du Parti justicialiste (Partido Justicialista), il était l’idéologue du kirchnérisme. Péroniste de gauche, sa victoire en 2003, face à Carlos Menem, accélère le virage argentin dans l’après-crise. Le chaos de la crise financière fin 2001 a entraîné l’Argentine dans les abîmes, l’arrivée de Kirchner signifiait une nouvelle ère. Le retour d’une croissance forte est l’une des ses grandes victoires. Avec une croissance à la mode chinoise (+8%), l’Argentine a vu ses exportations agricoles, comme le blé ou le soja, grimpées de façon vertigineuse.
Malgré sa grande popularité, il renonce à se représenter pour un second mandant, laissant sa place à son épouse. Cristina Kirchner connaît depuis un certain nombre de déboires. Son impopularité n’a cessé de grandir alors que l’ombre de son mari était toujours plus présent. Les échéances électorales de 2011 le laissaient espérer un retour en fanfare dans la Casa Rosada. Le destin en a décidé autrement…
La défense des Droits de l’Homme par Néstor Kirchner constituera sans aucun doute une avancée dans le jugement des criminels sous la dictature (1976-1983). L’annulation des lois d’amnistie permit le procès des militaires coupables d’assassinat contre les opposants argentins. Ce geste politique a eu un prix celui de rouvrir des blessures toujours aussi vives de cette période sombre de l’histoire argentine.
Cependant, les scandales financiers ont entaché la vie du couple Kirchner. En effet, des soupçons d’enrichissements illicites planent toujours. Le couple aurait amassé une fortune s’évaluant à près de 11 millions d’euros (55 millions de pesos) qui correspondrait à une hausse de 700% par rapport à leur déclaration de patrimoine de l’année 2003. Ses soupçons ont aiguisé l’opposition qui voit dans ce couple une entreprise familiale faisant main basse sur l’Argentine.
L’Argentine post-crise se retrouve orpheline, la présidente, veuve, doit poursuivre sa mission. Mais la mort de son mari, laisse interrogatif sur la suite du kirchnérisme.
Quelles perspectives ?
Au-delà du recueillement national qui s’apprête à s’ensuivre dans les prochains jours, Cristina Fernandez de Kirchner se retrouve héritière d’une séquence politique qui a marqué l’Histoire du pays lors de cette dernière décennie. Présidente, Cristina Kirchner sera-t-elle décider à poursuivre son combat politique en se représentant en 2011? Malgré toute l’émotion qui pourra se dégager de la disparition de son mari, la présidente argentine aura beaucoup de difficulté à se maintenir au pouvoir.
Le Partido Justicialista se dotera dans les prochains mois d’un nouveau leader, le niveau de son soutien qu’il offrira à la présidente sera déterminant pour son avenir politique. Pour l’Argentine, en manque de leaders politiques, c’est une perte. C’est aussi une perte pour l’Amérique Latine. A sa façon, Néstor Kirchner s’est opposé à « l’impérialisme » des Etats-Unis. Adversaire de la politique du F.M.I., il a embrassé la radicalisation de l’ensemble de la région qui a viré à gauche en l’espace d’une décennie, à quelques exceptions. En 2005, il rembourse en une seule traite les dettes argentines, s’évaluant à 9,5 milliards de dollars.
L’actuelle présidente a repris le flambeau entretenant de bonnes relations avec Hugo Chavez ou encore Evo Morales. Le futur positionnement argentin sera observé avec attention de la part des leaders sud-américains. Leurs soutiens exprimés, depuis l’annonce de la disparition de l’ancien président Kirchner, renforcent la position de la présidente comme l’héritière à part entière du kirchnérisme devant poursuivre cette œuvre au-delà de 2011. Un aspect important à prendre en considération. Dès à présent, le président vénézuélien ainsi que Rafael Correa, président de l’Equateur, ont confirmé leur présence pour les obsèques.
Le kirchnérisme, lui, s’apprête à vivre des heures difficiles, la présidente, si elle souhaite le faire vivre, devra littéralement aller au front, place qu’elle avait laissée à son mari depuis trois ans. Désormais, la politique argentine est en recomposition avec toutes les incertitudes qui l’accompagne. Le peuple argentin aura, après ces trois jours de deuil, à se poser cette question : Quel est l’avenir du kirchnérisme sans son père fondateur? Sur la scène politique, immanquablement la confrontation se prépare…
F.V.
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