Le Sommet sur le climat s’est traduit par un échec, la nouvelle décennie s’ouvre dans un climat anxiogène
Le sommet de Copenhague a traduit toutes les lignes de fracture de notre monde complexifié. Son échec peut être imputé à tous les participants. Pour les Occidentaux, les Américains, en particulier, il est facile de rejeter la responsabilité sur la Chine. Pour les pays en voie de développement, la responsabilité incombe aux pays industrialisés et leur mode de vie.
Ce sommet est l’histoire d’une relation, celle de deux mondes : le centre et la périphérie. Depuis le XVème siècle, l’Occident (l’Europe en particulier) a dominé, parfois de façon outrageuse, le monde. Aujourd’hui, cette réalité arrive à son terme. Amorcée au XXème siècle, son appendice nord-américain amorce la fin de son emprise sur le monde. La puissance des Etats-Unis est déclinante. L’année 2009 l’a démontré de façon fracassante : déroute du dollar, faiblesse dans la relation avec la Chine.
Copenhague devait rassembler le monde, uni, pour affirmer solennellement que les dirigeants de ce monde ont compris le danger des changements climatiques. Le résultat est catastrophique. Deux semaines de cacophonie, un pays, le Danemark, qui a fait preuve d’un certain amateurisme dans l’organisation de ce sommet international (selon les dire de certains). Copenhague a de façon métaphorique représenté ce chaos climatique qui se prépare…
Terrible constat d’un échec que les dirigeants se refusent d’admettre. Quinze jours de discussion, deux ans de préparation, et une journée du 18 décembre 2009, qui restera sans doute dans l’Histoire. Cette dernière a vu survenir un incroyable rush planétaire pour sauver ce qui pouvait l’être. Désabusé, certains ont quitté le Sommet avant l’heure. Ainsi, le président russe, Dmitri Medvedev, ne supportant pas ce chahut digne d’une cours de récréation, a claqué la porte. Les Russes ont quitté l’arène danoise avant l’heure.
L’arrivée de Barack Obama n’a rien changé. Il n’a rien dit… Son discours, livide, a laissé beaucoup de citoyens dépités de voir un homme ne pouvant pas être à la hauteur d’espérances trop lourde pour une seule personne. Lula, personnalité de l’année 2009 pour le quotidien Le Monde, a été remarquable. Son volontarisme a pu laisser croire à un rebondissement favorable. Malheureusement, le Brésil n’a pas sauvé le monde.
L’accord sur la réduction de la déforestation est un progrès. Le Brésil et les pays Africains ont prouvé leur capacité à faire des efforts significatifs pour limiter leurs émissions de CO². Cependant, le Sommet a marqué la nouvelle réalité du monde, un monde bipolaire entre deux puissances : l’une déclinante (les Etats-Unis), l’autre ascendante (la Chine). Les deux se rejettent la responsabilité de cet échec.
Lors de ce spectacle tragique qui s’est déroulé devant la Terre entière, les dirigeants politiques, le monde économique n’ont pas su entendre le message des scientifiques. Dans l’affaire, il n’y aura aucun gagnant, il n’y aura que des perdants. Le sommet terminé, les études scientifiques se poursuivent et les dernières publications ne sont pas rassurantes. L’année 2009 fait partie des cinq années les plus chaudes depuis la mise en place de ce type d’étude. Ils prédisent déjà que l’année 2010 sera l’année la plus chaude jamais enregistrée. La multiplication des sécheresses, des pluies diluviennes, des ouragans, des incendies mettent à l’épreuve tout notre écosystème. Sa résilience a encaissé la démultiplication de ces phénomènes reste une grande interrogation mais il est certain que les choses ne s’arrangeront pas.
Les trois pages faméliques qui sont ressorties à l’issue de ce sommet sont exaspérantes. Elles n’apportent aucune garantie d’application. Laisse le juge-arbitre à chaque pays de déterminer la base de sa limitation et réduction de gaz à effets de serre. Ces trois feuilles ressemblent à une déclaration que compose le Conseil de sécurité de l’ONU quand ses membres ne peuvent pas se mettre d’accord sur une résolution.
L’échec de Copenhague, c’est la défaillance d’un système : les institutions onusiennes. Incapable de mettre de l’ordre dans ce brouhaha permanent, l’ONU s’est illustrée par une faiblesse qui pénalise désormais l’ensemble du système des relations internationales. L’ONU n’a pas les moyens d’imposer les solutions nécessaires aux Etats. Les Etats-membres se sont toujours refusés de céder la moindre parcelle de terrain en matière de souveraineté.
Pour la première fois dans l’Histoire de l’humanité, le problème rencontré est sans limite, ne connaît aucune frontière, ne fait aucune distinction entre les peuples. Il mérite une réponse globale et unanime. Refuser de s’engager, d’imposer de nouvelles formes de réglementation limitant au maximum les conséquences des changements climatiques, c’est préparer les guerres de demain.
Le temps joue contre l’ensemble des acteurs. Les prochains sommets en 2010 à Bonn et Mexico exigeront une plus grande efficacité. Mais, d’hors et déjà, l’effervescence médiatique est retombée, l’attention de l’opinion publique mondiale s’est détournée vers des problèmes plus conjoncturels (la crise n’est pas vraiment finie). En sus, les dirigeants politiques ont perdu une grande crédibilité auprès de celle-ci. Les pays du G77 ne sont pas satisfaits de ce sommet qui n’a abouti au final à un grand marchandage entre les grandes puissances.
Barack Obama, qui a gagné sa bataille pour la santé devant le Congrès, n’est pas prêt à mener de suite la bataille climatique…. Celle-ci lui coûterait trop cher, surtout avant les élections à mi-mandat en automne 2010. Le temps presse mais le monde est empêtré dans cette crise dont les stigmates apparaissent toujours plus visibles. A Copenhague, les grands dirigeants de cette planète ont perdu toute la légitimité de ce que doit représenter, le leader d’un peuple, le chef d’une communauté, trahissant le célèbre adage « gouverner c’est prévoir ».
A Copenhague, le monde a observé la mise à mort de nations, la condamnation pour certains peuples à subir les conséquences d’un mode de vie occidental, érigé en modèle universel. Les peuples et civilisations dominés pendant cinq siècles reprennent leur place depuis la fin de la Guerre froide. Aujourd’hui, l’Occident déclinant n’a plus les moyens de se faire respecter, mais plus grave, de se faire entendre. Durant ces négociations, l’Union Européenne s’est présentée comme le fer de lance pour la mise en place d’un texte contraignant pour l’après-Kyoto. Celle-là a démontré sa formidable incapacité à diriger de main de fer, à mener, en définitive, à taper du poing sur la table. Désormais, le risque est grand que le climat, plus globalement l’environnement, dictera aux sociétés, les décisions à prendre. Des décisions sous la contrainte, dans l’urgence, qui entrouvrent des perspectives inquiétantes…
F.V.
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