CONFLIT RUSSIE-GEORGIE
La victoire militaire russe en Géorgie inaugure un nouveau cycle sur le Vieux Continent où le Kremlin affirme ses ambitions.
Alors que la Chine illuminait le monde par sa cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, dans le Caucase, Russes et Géorgiens entraient dans un conflit de courte durée (une « Blitzkrieg » comme l’ont souligné quelques journaux occidentaux). La guerre a surpris la communauté internationale et l’Europe. Mais les tensions sont présentes dans cette région du monde depuis la disparition de l’URSS. Le conflit offre une rupture géopolitique importante pour le Caucase et au-delà. Si la guerre est terminée, l’onde de choc de ce conflit n’est qu’à ses débuts…

Ecrasante victoire russe sur l'armée géorgienne (photo: AP/Musa Sadulayev)
Lorsque Mikhaïl Saakachvili donne l’ordre à sa force armée de pénétrer dans la région autonome d’Ossétie du Sud, celui-ci a provoqué une réaction en chaîne qu’il n’a pas su maîtriser. La Russie n’attendait que le faux pas du président géorgien. Arrivé au pouvoir en 2004 lors de la révolution des « roses », Mikhaïl Saakachvili promet à son peuple que la Géorgie atteindra un développement économique égal aux autres nations européennes. Cet objectif passe par l’application de la souveraineté sur l’ensemble du territoire géorgien au sein des frontières internationales reconnues. Ensuite, le président géorgien n’a jamais fait mystère de ses intentions concernant l’Otan : une adhésion pleine et entière de son pays au sein de l’Alliance Atlantique.
Du côté du Kremlin, l’arrivée d’un pouvoir pro-occidental à Tbilissi est perçue d’un mauvais œil. La « révolution orange » en Ukraine accentue l’inquiétude du pouvoir russe. Cette inquiétude : la perte définitive de l’influence russe dans des régions considérées comme historiquement et culturellement traditionnelles. Vladimir Poutine, alors encore président, mène la riposte. D’abord sur un plan interne, voyant la propagation des mouvements révolutionnaires pro-occidentaux, il décide de former une jeunesse contre-révolutionnaire de façon préemptive. Ainsi, en 2005, la formation des nashi (littéralement « les nôtres ») vise à contrer toute mouvance révolutionnaire pour renverser le gouvernement. Cette jeunesse constitue un rempart pour le pouvoir russe.
Mais les élections russes de l’hiver et du printemps derniers démontrent que le pouvoir russe n’est pas réellement menacé. Une fois cette assurance et l’ « opération dauphin » réussi, l’action de la Russie peut s’effectuer au-delà de ses frontières. La question du Kosovo a été un tournant dans la stratégie russe. La reconnaissance de l’indépendance du Kosovo, province serbe, constitue un casus belli où les Russes ont ostensiblement averti des répercussions à terme pour le Vieux Continent. Il n’aura fallu attendre que cet été pour voir cette réalisation auto-prophétique…
L’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont une pomme de discorde majeure entre la Géorgie et la Russie. La division de l’Ossétie est issue d’un découpage territorial administratif durant les années 1920 par Staline. Au mépris de la cohésion ethnique d’une région, le pouvoir soviétique pour des raisons politiques a effectué un découpage révélant au moment de l’effondrement de l’URSS de nombreux problèmes. Les raisons de ce conflit sont nombreuses, mais elles résultent d’un processus d’accumulation de tensions entre les deux pays. Comme l’indiquait Clausewitz, la guerre est un moyen comme un autre pour poursuivre des objectifs politiques.
En effet, de l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Saakachvili en 2004 à cette guerre éclair du mois d’août 2008, il y a eu une séquence. Celle-ci fût marquée par une dégradation continuelle des relations russo-géorgiennes. Du boycott des produits géorgiens aux représailles diplomatiques mutuelles, les tensions entre les deux anciennes républiques sœur ont donc atteint leur paroxysme dans la nuit du 7 au 8 août 2008.

La cyberguerre, prélude au conflit russo-géorgien
La guerre entre la Géorgie et la Russie a pris diverses formes. En effet, la toile a été prise pour cible avant et pendant cette guerre. Les sites gouvernementaux géorgiens ont connu de fortes perturbations. Comme l’Estonie il y a un an, la Géorgie est à son tour victime des hackers russes. Même si le gouvernement géorgien accuse les autorités russes, à ce jour, il n’existe aucun lien direct entre ces cybers attaques et le Kremlin. Mais cette cyberguerre démontre que l’ensemble des fronts sont occupés par les deux belligérants.
Une crise sans précédent
Au-delà du conflit, ce sont les répercussions internationales qui se font sentir. Les relations entre la Russie et les États-Unis connaissent une phase critique. Une rupture est amorcée entre les deux pays. Le retour à une guerre froide est totalement exclu, le visage des relations internationales a profondément changé. Mais la rupture entre les deux anciennes superpuissances rivales a et aura des conséquences sur le Vieux Continent.
Les anciennes républiques socialistes comme l’Ukraine et la Pologne voient justifier leur position dure envers Moscou avec ce conflit. L’Ukraine remet en cause l’utilisation des navires russes depuis le port ukrainien de Sébastopol. La Pologne vient de conclure avec les États-Unis la mise en place de batteries anti-missiles Patriots. Cette guerre a accéléré l’agenda américain. Lors de sa visite à Tbilissi, la chancelière allemande, Angela Merkel, a assuré son homologue géorgien que la Géorgie « sera membre de l’Otan ».
Les Russes ne semblent pas pressés d’appliquer le texte du cessez-le-feu ordonnant le retrait de ses troupes de Géorgie. Au contraire, la communauté internationale assiste au renforcement des positions russes en territoire géorgien. Les Russes ont mis en place en Ossétie du Sud des missiles de courtes portées SS-21, mettant Tbilissi à portée de tir. Si les Russes ne s’exécutent pas, la rupture avec l’Occident risque de devenir irréparable. L’incompréhension semble s’installer entre les deux parties. Pour les Européens, les intérêts d’une relation brisée avec la Russie sont nuls. Quant à la Maison-Blanche, c’est un terrible retour de manivelles, eux qui ont jugé être seul maître à user de la force avec la question irakienne. Si la période estivale semble atténuer la gravité de la crise, les semaines à venir risquent d’être difficiles….
F.V.
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