REVUE DE FILM
Teeth, les dents du vagin
Il est des synopsis qui attirent notre curiosité. Teeth, film de Mitchell Lichtenstein, en fait résolument parti : une jeune adolescente, militante dans un groupe de chasteté, découvre que son vagin est équipé de dents nouvelle génération. Un rapide coup d’œil à un livre d’anatomie scolaire censuré : « mon corps change, mais ça n’est pas normal !». La faute à l’usine nucléaire derrière la maison ? Après une hilarante scène chez le gynécologue, le verdict tombe : c’est la vagina dentata, mystérieux mythe antique qui nous dit que ce vagin denté ne pourra être vaincu que par un mystérieux héros.
Un renouveau du film de genre sur l’adolescence, loin des niaiseries et autres cheerleaders. Dans Teeth, les sexes et doigts tombent au fur et à mesure, dans un rythme frénétique. On lui reconnaît au moins cette qualité : Mitchell Lichtenstein va jusqu’au bout, sans se dégonfler, en nous montrant crûment sexes fauchés tout en faisant hurler nos jeunes adolescents fraîchement émasculés. Dans Teeth, la transformation est intérieure (métaphore de l’adolescence) et la « monstruosité » est suggérée (et non montrée comme dans La Mouche de David Cronenberg), on en frémit. Entre l’atmosphère poisseuse et silencieuse de Virgin Suicides et le trash bien assumé, Teeth touche en plein dans le mille.
Et pourtant… On sort de la salle frustré. Un étrange sentiment de manque. Quoi ? Dawn a des dents au vagin, elle ne l’accepte pas, puis finalement l’accepte et l’utilise comme une arme (strictement féminine) déloyale et vengeresse ! C’est tout ? Teeth rappelle en fait étrangement Black Hole, l’excellent roman graphique de Charles Burns, dont on trouve l’intégrale chez Delcourt pour la version française, édité en 2005. En effet, dans Black Hole, un groupe d’adolescents contractent au fur et à mesure la mystérieuse Crève, étrange MST (prémisses du sida en fait), et fuient au fur et à mesure dans une étrange forêt. Déformations et monstruosités sont aussi crûment dessinées. Mais le désespoir est criant, et l’ambiance glauque et sombre hurle le mal-être de ces jeunes.
Au final, Teeth amuse par son trash assumé, mais l’originalité du script est vite détourné par le politiquement correct (la mutation due au nucléaire) et la résolution terriblement féministe (les dents comme armes), qui nous laissent sur notre faim.
A.-L. de B.
Un film qui m’a glacé, mais que j’ai bien aimé. je ne suis pas sortie frustrée: la scène finale est extraordinaire !
Bsx