L’hystérie médiatique s’empare de la campagne, au risque de la déservir
Depuis presque 6 mois, la campagne électorale pour l’élection présidentielle est lancée. Et il reste plus de trois mois de campagne. Une campagne d’une dizaine de mois en tout depuis que le premier candidat principal à l’élection, qui est une candidate, Ségolène Royal, a été officiellement désigné par son parti en novembre dernier. Sans compter les mois de campagne interne au parti socialiste et l’affirmation depuis cinq ans des ambitions de Nicolas Sarkozy.
Depuis le début de l’année, on critique Ségolène Royal de ne pas avoir de programme, on se plaint de ce qu’on ne puisse pas débattre de ses idées et de son projet. On presse les grands candidats de chiffrer leur programme. A peine désignés, on leur demande leur avis sur tout. « Combien cela va-t-il coûter ? Quel est votre position concernant les sans-papiers, la situation au Darfour ou le déficit de l’Etat ? » Voilà ce que l’on peut voir à la télévision, entendre à la radio ou lire dans les journaux tous les jours depuis les six derniers mois. Aucune pause, les médias dictent le calendrier et imposent les thèmes. Peu importe que la candidate socialiste ait décidé d’organiser des débats participatifs qui aboutiraient à la construction de son programme et à sa présentation le 11 février. On préfère la taxer de sans-programme plutôt que d’attendre jusqu’à cette date. Les médias dictent le calendrier et ne veulent pas attendre.
Mais il ne faut pas tomber dans le piège d’une dénonciation globalisante des médias. Les médias ne sont pas un être homogène qui agit d’une seule voix, au contraire, chaque journal, chaîne de télévision ou station de radio a ses tendances et son indépendance, comme Jean-François Kahn dans son dernier livre, Les Bullocrates, semble le réfuter. Chacun a ses caractéristiques mais tous courent derrière une seule et même chose : l’audience. Car la campagne électorale fait vendre. Autant celle de 2002 avait laissé les électeurs, donc les médias, plus que perplexes (mêmes candidats qui n’avaient pas résolus les difficultés du pays les 5 années précédentes), autant celle de 2007 déchaîne les passions (nouvelle génération de candidats, nouveaux espoirs). Ce déchaînement des passions est compréhensible et très sain pour la démocratie mais il devient emballement quand les médias dictent eux-mêmes ce que les hommes et femmes politiques doivent dire et quand ils doivent le dire.
Ce problème est par ailleurs difficible à résoudre étant donné la multiplicationdes diffuseurs. Pris dans l’engrenange de la concurrence aucun journal, aucune chaîne de télévision ou station de radio ne va lâcher du lest sous prétexte qu’il n’y a rien à dire. Les chroniques dans la presse écrite ou les émissions à la radio et la télévision ont leur quotidienneté et ils faut bien trouver les sujets qui rempliront les cases. Ainsi on se retrouve une pleine semaine pris dans l’affaire des RG ou dans le débat sur le patrimoine des candidats. Questions à poser mais ne méritant pas les gros titres des semaines durant. Campagne de « caniveau » car personne n’a le courage de dire à son antenne ou dans ses colomnes qu’aujourd’hui il n’y a rien à dire sur le campagne présidentielle. Candidats piégés dans cet emballement, au risque de faire mauvaise figure et de baisser dans les sondages s’ils veulent en sortir (les médias représentent l’opinion et celui qui s’en prend aux médias s’en prend à l’opinion, équation cruelle). Doit-on ne plus espérer que tout ceci finisse au plus vite ?
R.C.
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