Alors que l’ensemble de la classe politique israélienne s’apprêtait à vivre des élections anticipées, le 4 septembre 2012, le Premier ministre Benyamin Netanyahu a annoncé la formation d’un gouvernement d’unité nationale avec Shaul Mofaz.
La formation d’un gouvernement d’unité nationale avec l’entrée du parti centriste Kadima, dirigé par son nouveau leader, Shaul Mofaz, annule de facto les élections anticipées. Celles-ci devaient avoir lieu à la fin de l’été, où Benyamin Netanyahu apparaissait être largement en tête. La création de ce nouveau gouvernement d’unité garantit au leader du Likoud une forte stabilité au sein de la Knesset. Pour la gauche israélienne, cette nouvelle résonne comme un véritable coup de poignard.
Cette décision intervient alors que le climat politique est assez tendu sur la scène intérieure israélienne. La fièvre sociale ainsi que les tensions avec les religieux ont accéléré l’agenda politique de Benyamin Netanyahu. L’élargissement du gouvernement en direction du centre de l’échiquier politique national offre un nouveau souffle pour le Premier ministre. Désormais, le Likoud peut compter sur une aile droite solide avec Israel Beytenou et donc une aile gauche avec les centristes de Kadima. Autre avantage de poids, Benyamin Netanyahu a marginalisé le parti ultra-orthodoxe Shass, membre de la coalition gouvernementale.
La formation d’un triumvirat
De fait, l’arrivée de Shaul Mofaz, au poste de vice-Premier ministre, sans portefeuille, crée une nouvelle dynamique politique pour le gouvernement de Benyamin Netanyahu. Ancien ministre de la Défense (2002-2006) dans le gouvernement Sharon, Shaul Mofaz, militaire de carrière, apporte une nouvelle garantie en matière de sécurité. Nommé chef d’état-major, en 1998, sous l’autorité du gouvernement Netanyahu, Shaul Mofaz fait son retour dans un gouvernement de droite alors qu’il avait explicitement déclaré vouloir combattre la politique de l’actuel Premier ministre. Ce revirement consterne la responsable du Parti Travailliste, Shelly Yacimovich qui devient désormais la principale figure de l’opposition au gouvernement.
Cependant, cette opposition se retrouve esseuler au sein de la Knesset où la nouvelle coalition réunit 94 des 120 sièges du parlement israélien. Lors d’une conférence conjointe, en présence du Premier ministre, Shaul Mofaz esquisse les motivations qui ont amené Kadima à prendre cette décision : « Une coalition de 94 députés pourra mieux affronter les défis pour l’avenir d’Israël. Nous sommes ici pour joindre nos mains, et affronter ces défis, et ils ne sont pas faciles. » Parmi les enjeux qui seront soulevés dans les semaines à venir, la relance d’un processus de paix « responsable » semble rassembler les deux hommes. L’arrivée de Shaul Mofaz pourrait réamorcer les discussions entre Israël et l’Autorité palestinienne.
Au-delà de l’impasse des négociations israélo-palestiniennes, ce nouvel arrivant renforce la position du gouvernement Netanyahu dans le dossier du nucléaire iranien. Ce coup de poker politique déstabilise Washington qui s’attendait à ces élections anticipées. Ce renversement de situation déroule un nouveau scenario sur le nucléaire iranien. Si des voix israéliennes se sont élevées contre le binôme Netanyahu-Barak, favorable à une frappe préventive contre les installations nucléaires iraniennes, l’arrivée de Shaul Mofaz servirait-elle de caution ? En effet, même si ce dernier s’est prononcé par le passé contre une intervention aérienne en Iran, Shaul Mofaz renforce la posture du gouvernement Netanyahu sur cette question.
La naissance d’un triumvirat Netanyahu-Barak-Mofaz consolide la position israélienne sur la scène internationale sur le dossier. Les efforts de Barack Obama de contenir la ligne dure du Premier ministre israélien paraissent vains. Mais ce dernier possède d’importants ressorts politiques. Véritable animal politique, Benyamin Netanyahu a démontré une nouvelle sa capacité de survie. Pour la Maison Blanche, ce rebondissement a pris de nouveau de court l’administration. Désormais, la fenêtre d’une intervention militaire s’est avancée une nouvelle fois au mois de juillet 2012. Celle-là pourrait s’étendre jusqu’au printemps 2013.
Objectif : changer le mode de gouvernance
Avec une majorité solide à la Knesset, le gouvernement israélien entend relancer ses différents projets de réforme. L’un des objectifs affichés par cette nouvelle coalition est de refonder le système de gouvernance en Israël. Avec un système électoral basé sur un vote proportionnel intégral, l’émiettement du paysage politique israélien rend les grandes familles politiques dépendantes des petits partis. En transformant le système parlementaire et l’attribution de ses sièges, la future coalition entend se délivrer ce. Mais ce projet menace directement le Parti Travailliste où ses luttes internes ont provoqué un inexorable déclin. L’idée serait de former quatre blocs parlementaires représentant les grands courants de la société israélienne. Pour se faire, le prochain gouvernement d’unité est solidement ancré jusqu’à la fin de la législature prévue à l’automne 2013.
Pour Benyamin Netanyahu, l’entrée de Kadima le délivre de toute prise d’otage de son ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman. Probablement, le Premier ministre jouera de cette dualité au sein de son gouvernement. Tout en évacuant une colonie illégale, il pourra autoriser l’agrandissement d’une colonie implantée légalement. Le retour de Kadima dans le gouvernement pourrait à terme créer un mouvement plus large l’unissant au Likoud. En effet, le génie politique de Benyamin Netanyahu s’étend à l’actuelle dynamique de son parti qui voit l’émergence d’un leader radical en la personne de Moshe Feiglin. Débordé sur sa droite au sein du Likoud, le Premier ministre entend rééquilibrer le parti sur son centre. Cette stratégie pourrait à terme créer une fusion entre les deux partis ou établir une alliance objective.
En s’assurant les services de Shaul Mofaz, Benyamin Netanyahu réalise un coup double magistral. Sur la scène internationale, la position du Premier ministre apparaît plus que jamais renforcer tant sur le plan sécuritaire avec les Palestiniens que sur le dossier du nucléaire iranien. Même si la réalité d’une frappe unilatérale s’est estompée ces dernières semaines, cette option est plus que jamais rendue crédible auprès de la communauté internationale. En ciblant les classes moyennes israéliennes, Benyamin Netanyahu règne en maître et pourrait l’être encore durant plusieurs années.
F.V.
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